JOHANNES STEIDL, ARTPICNIC, WABERN (BERNE), SUISSE, 10/05-06/07/08
Pour sa première édition à Wabern, près de Berne, la manifestation Artpicnic rassemblait une soixantaine d’artistes pour une “promenade artistique” de près de trois kilomètres, entre le mont Gurten et la rivière Aare, comme pour illustrer cette maxime de François Morellet : “Les oeuvres d’art sont des coins à pique-nique où l’on consomme ce que l’on apporte soi-même.” Ce projet est lié à l’Euro 2008, qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’est pas une opération monétaire, mais un championnat européen de football auquel est associée une action culturelle… À cette occasion, Berne, Salzbourg et Vienne réalisaient un partenariat artistique. In situ donc, et équipé de bonnes chaussures de marche, on peut découvrir de nombreuses installations – trop peut-être –, parmi lesquelles se distinguent cependant, dans la forêt, les “nappes drapeaux” de la Française Anne-Claire Budin, les éclairages phosphorescents du Salzbourgeois Erik Hable et la maison éphémère des Suisses Jürg Hugentobler et Barbara Wiggli, ou encore, près du funiculaire, les disques lumineux de la Suissesse Hilda Staub. Dans le village, en levant la tête, on ne peut échapper au cheval, grandeur nature, (plastique ou bois tressé ?) suspendu au clocher de l’église contemporaine Saint-Michael, image détournée d’une gravure fantastique de Gustave Doré par les Suisses Rudolf Steiner et Barbara Meyer Cesta. Avec son compatriote Peter Hass, qui a habillé de rose une équipe fictive de footballeurs photographiée parmi la communauté homosexuelle de Berne, l’Autrichien Johannes Steidl est le seul à s’être inspiré et amusé de la coupe de football, véritable prétexte d’Artpicnic.
Artiste multimedia, Johannes Steidl installe aussi bien un nid géant (garni d’œufs) au sommet d’un réverbère sur la place Anton Neumayr, à Salzbourg, qu’il peut couvrir des cahiers entiers avec des animaux étranges dessinés à la plume. En décembre dernier, il exposait à Paris, à Moments artistiques (manisfestation animée par Christian Aubert), des œuvres brossées à l’encre noire sur papier métallique. à Wabern, il faut descendre près d’un torrent, puis, à côté du camping, fouler une immense prairie, où, en fin de journée et jusque tard dans la nuit, viennent se reposer les habitants. C’est là que Johannes Steidl a choisi de quadriller l’espace avec des bandes blanches, à l’identique d’un terrain de football. Sauf qu’ici, on s’allonge, on prend le soleil, on bavarde, on se restaure et, accessoirement, on joue au ballon sous les arbres. On songe à la séquence finale de Blow Up (Michelangelo Antonioni) quand, sur un terrain de tennis, on entend le bruit d’une balle imaginaire. D’ailleurs, le soir du vernissage, à cette performance pour footballeurs inopinés, les énormes Bucky-Balls en fil de fer de Christine Bänninger et Peti Wiskemann étaient roulés au bord du terrain, tandis que résonnait la cantilène chaloupée d’un tango mâtiné de reggae de l’accordéoniste Marius Brun Del Re et de son ineffable compagnon Matthias Seemann, avec sa batterie à roulettes. Ou l’art joyeux de la dérision.
Franck Mallet